La véritable recette de la Carbonara : Un voyage à travers l’histoire, les évolutions sociales et culturelles mais aussi pas mal de mythes…
La Carbonara est sans doute un des plats les plus emblématique de la cuisine italienne. Il est sans aucun doute aussi la cause de controverses les plus vives dans l’histoire de la gastronomie quant à sa véritable recette et ses origines. De quoi chauffer l’ambiance aussi sûrement que de parler politique aux repas de Noël. Une autre certitude : son histoire est aussi riche que ne l’est sa recette !
La recette des pâtes Carbonara est relativement récente. Son apparition ne remonte qu’au XXème siècle, avec des estimations situant sa création entre les années 1940 et 1950.
Les prémisses d’une longue histoire qui serviront sans doute de support à un débat qui perdure encore aujourd’hui. Soit deux questions majeures, presque existentielles : la Carbonara est-elle née en Italie ou en Amérique ? Et quels en sont les véritables ingrédients ?
Premières apparitions dans un livre de cuisine
La première mention écrite de la recette de la Carbonara apparait en 1950 dans le livre « The Silver Spoon » de Waverley Root. La recette, décrite comme simple et rapide, comportait des ingrédients tels que des spaghetti, du bacon, des œufs, du Pecorino Romano et du poivre noir.
La Carbonara est également citée en 1952 dans un guide des restaurants de Chicago le Vittles and Vice – An Extraordinary Guide to What’s Cooking on Chicago’s Near North Side de Patricia Brontè. Celui-ci dévoilera une version anglaise de la recette provenant (toutefois) d’un restaurant italien, Armando’s, tenu par un certain Pietro Lencioni.
Il est important de nuancer cette information. La présence de ce plat à Chicago à ce moment de l’histoire ne prouve pas son existence en Italie à la même époque. Il est possible que des immigrants italiens installés à Chicago aient adapté une recette traditionnelle italienne en utilisant des ingrédients disponibles localement.
De plus, le restaurant italien Armando’s à Chicago, tenu par Pietro Lencioni, proposait une recette de Carbonara dès 1947. Là encore, cela ne signifie pas nécessairement que la Carbonara était un plat répandu en Italie à cette époque. Il est possible que ce restaurant ait innové en proposant une recette unique inspirée de traditions culinaires italiennes.
Un tournant dans l’histoire de la Carbonara est toutefois opéré en 1954. La recette est véritablement formalisée dans la publication d’août de La Cucina Italiana, à la suite d’une demande d’une lectrice. Dirigée par Anna Gosetti della Salda, avec la collaboration de ses sœurs Fernanda et Guglielmina, la revue recommandaient à l’époque l’usage…du gruyère (!), avant de proposer en 1967 une version actualisée dans Le ricette regionali italiane.
Il est important de noter que cette revue ne codifie pas la recette de la Carbonara, mais la présente plutôt comme une variante régionale.
A noter également qu’entre 1954 et 1960, les livres de recettes font état de Carbonara au parmesan, au jambon, au bacon, à la coppa. L’œuf est le plus souvent entier et en petite quantité par rapport aux pâtes. Un peu de persil pour garniture finale et un soffritto d’ail ou d’oignon.
Ces éléments indiquent que la Carbonara n’est probablement pas une création récente, mais plutôt le résultat d’une évolution culinaire graduelle, influencée par différentes sources et cultures. Des influences extérieures, comme celles des immigrants italiens aux États-Unis, ont pu jouer un rôle dans l’évolution du plat et sa diffusion internationale.
Contexte historique
L’apparition de la Carbonara coïncide avec une période de grands bouleversements en Italie. La Seconde Guerre mondiale vient de prendre fin et le pays se reconstruit. Dans ce contexte, les produits alimentaires sont rares et chers. La Carbonara, avec ses ingrédients relativement simples et abordables, s’impose comme un plat nourrissant et économique, parfait pour les familles italiennes qui tentent de se relever de la guerre.
Parallèlement, deux nouvelles hypothèses apparaissent. La première attribue l’origine de la recette aux brûleurs à charbon (i carbonari) des Apennins. La seconde renvoie aux officiers de l’armée anglo-américaine.
L’hypothèse Carbonari
D’autres hypothèses suggèrent que la Carbonara est née dans le Latium, région d’Italie centrale. Le nom « Carbonara » pourrait dériver de « carbonaro », signifiant « charbonnier » en italien, faisant référence aux ouvriers des charbonnières qui préparaient ce plat nourrissant et économique. Ces travailleurs, vivant dans des conditions rudimentaires, auraient élaboré un plat nourrissant et économique avec des ingrédients simples accessibles à proximité de leurs lieux de travail et facilement stockables, donnant ainsi naissance aux premières pâtes carbonara.
Rôle des soldats américains
L’une des théories les plus populaires attribue la création de la Carbonara aux soldats américains présents en Italie après la Seconde Guerre mondiale. Ces derniers auraient combiné des ingrédients américains figurant dans les rations militaires, à savoir : des jaunes d’œufs déshydratés, du bacon et du fromage.
Cependant, cette théorie n’est pas étayée par des preuves historiques concrètes. On ne trouve aucune mention de la Carbonara dans les livres de cuisine américains de l’époque, et les soldats américains n’auraient probablement pas eu accès facilement à des ingrédients tels que le guanciale (ou assimilé) ou le Pecorino Romano.
De plus, la présence de bacon dans la recette de Waverley Root, publiée en 1950, soit seulement 5 ans après la fin de la guerre, semble contredire cette théorie. Il est plus probable que l’utilisation du bacon soit une adaptation de la recette originale pour le public américain, qui n’était pas familier avec le guanciale.
La Cacio e Pepe pimpé
Enfin, certains gastronomes avancent l’idée que la Carbonara serait une version revisitée d’une recette plus ancienne, la « Cacio e Pepe » (pâtes au fromage et au poivre), à laquelle on aurait ajouté des œufs et du guanciale.
Une recette en constante évolution : entre tradition et innovation
Au fil des années, la recette évolue, passant du parmesan au jambon, du bacon à la coppa, reflétant ainsi les variations gustatives et culturelles de l’époque.
C’est Luigi Carnacina qui, en 1960, révolutionne la recette en introduisant le guanciale à la place de la pancetta. Mais c’est dans les années 80, sous l’influence de la nouvelle cuisine française et de l’appétit vorace de l’Amérique, que lard et crème fraîche seront ajoutés à la Carbonara, popularisant cette version de la recette.
Depuis de nombreuses variantes ont vu le jour, reflétant la diversité et la créativité de la cuisine italienne. On peut trouver des versions avec des légumes, des champignons, du vin blanc, etc.
L’un des points de discorde les plus importants concerne l’utilisation de la crème fraîche. La recette traditionnelle, codifiée par l’Accademia Italiana della Cucina en 1955, n’en mentionne aucune.
Le camp des puristes, gardiens intransigeants de la tradition, veille scrupuleusement au respect de la recette sacrée : spaghettis (ou tagliatelles à la rigueur), guanciale (pas de bacon, on a dit !), Pecorino Romano (le parmesan est une hérésie !), œufs entiers et jaunes, et poivre noir fraîchement moulu. Pour eux, la crème fraîche altère la texture crémeuse et onctueuse de la sauce originale, diluant sa saveur et masquant le goût des autres ingrédients. Aussi tout écart quant à ces ingrédients sacrés est considéré comme une abomination susceptible d’indigner massivement les réseaux sociaux.
Face à ces gardiens de la tradition se dressent, avec insolence, les rebelles de la modernité, prêts à bousculer les codes établis et à revisiter la recette avec une pointe d’audace (et d’inconscience !) ; ceci, en explorant de nouvelles combinaisons de saveurs et de textures. Certains ajoutent un peu de vin blanc pour déglacer la poêle, quand d’autres préfèreront l’utilisation de la pancetta à celle du guanciale (éternel retour…). De nombreux chefs cuisiniers renommés ont ainsi proposé leur propre interprétation de la recette, contribuant à sa diffusion internationale. Jamie Oliver (2005), Gordon Ramsay (2008) et Massimo Bottura (2016) font partie des chefs qui ont revisité la Carbonara avec leur propre touche créative.
Le chef américain Babish tente, quant à lui, de réaliser la « Carbonara parfaite » en compilant et comparant les techniques de différents chefs italiens renommés. Sa quête de l’absolue perfection, ponctuée de commentaires ironiques et de situations cocasses, illustre avec humour les débats dont, plus que tout autre recette, la Carbonara fait l’objet.
Un plat emblématique qui traverse les frontières
La Carbonara est devenue un véritable emblème de la gastronomie italienne, dépassant largement les frontières de son pays d’origine. Son (apparente) simplicité et sa saveur incomparable en font un plat universellement apprécié, capable de s’adapter aux différentes cultures. Elle rend compte, surtout, la créativité et l’adaptabilité de la cuisine italienne, capable de se réinventer tout en conservant son identité.
La recette (version puriste et actualisée)
Parce qu’on ne pourrait conclure cette longue histoire sans en détailler la recette !
Les ingrédients
Pâtes artisanales : des pâtes longues (spaghettis ou des tagliatelles) ou des rigatonis (ici présentes), sont généralement utilisées.
Guanciale : joue de porc salée, le guanciale est l’ingrédient clé qui donne à la Carbonara ses qualités organoleptiques. Il peut être remplacé par de la pancetta, mais le goût sera légèrement différent.
Œufs frais : des œufs entiers et des jaunes d’œufs sont utilisés pour créer une sauce crémeuse et onctueuse.
Pecorino Romano : il s’agit d’un fromage de brebis sec et salé qui apporte une saveur piquante et umami à la sauce.
Poivre noir : le poivre noir fraîchement moulu est un élément essentiel pour assaisonner la sauce.
Huile d’olive E.V.O : utilisée pour faire revenir le guanciale et pour ajouter de la richesse à la sauce.
Les proportions (4 personnes)
400g de spaghetti (ou tagliatelles romaines
200g de guanciale (joue de porc salée)
4 œufs entiers + 4 jaunes d’œufs
100g de Pecorino Romano râpé
Les étapes
1. Préparer le guanciale :
Coupez le guanciale en cubes d’environ 1 cm.
Faites chauffer une poêle à feu moyen avec un peu d’huile d’olive.
Ajoutez le guanciale et faites-le revenir jusqu’à ce qu’il soit croustillant et doré, environ 10 minutes.
Retirez le guanciale de la poêle et réservez-le.
2. Faire cuire les pâtes :
Portez une grande casserole d’eau salée à ébullition.
Ajoutez les pâtes et faites-les cuire selon les instructions sur l’emballage.
Réservez environ 100 ml d’eau de cuisson des pâtes avant de les égoutter.
3. Préparer la sauce :
Dans un grand bol, mélangez les œufs entiers, les jaunes d’œufs, le Pecorino Romano râpé et une bonne quantité de poivre noir fraîchement moulu.
Fouettez vigoureusement jusqu’à obtenir une crème homogène.
4. Incorporer les pâtes :
Égouttez les pâtes et ajoutez-les immédiatement dans la poêle avec le gras du guanciale.
Mélangez rapidement pour bien enrober les pâtes de graisse.
Retirez la poêle du feu.
5. Créer l’émulsion :
Versez rapidement la crème d’œufs dans la poêle avec les pâtes chaudes.
Mélangez énergiquement à l’aide d’une spatule ou d’une cuillère en bois pour créer une émulsion crémeuse.
Si la sauce semble trop épaisse, ajoutez un peu d’eau de cuisson des pâtes réservée pour l’assouplir.
6. Servir :
Répartissez les pâtes dans les assiettes de service.
Garnissez avec le guanciale croustillant et servez immédiatement, en saupoudrant de Pecorino Romano râpé supplémentaire et de poivre noir fraîchement moulu selon votre goût.
Nos conseils :
Pour une saveur plus riche, utilisez du Pecorino Romano vieilli. Vous pouvez remplacer le guanciale (ou guanciale fumée) par de la pancetta, Si vous n’aimez pas les œufs crus, vous pouvez les cuire légèrement à la poêle avant de les ajouter à la crème. Ne laissez jamais les pâtes cuire dans la crème d’œufs sur feu vif, car les œufs risqueraient de coaguler. La Carbonara se déguste traditionnellement avec du pain frais et un verre de vin blanc sec.
Buon appetito !
Sources
« Carbonara: A History and Recipe » de David Leite (2010)
« The Silver Spoon » de Waverley Root (1950)
« La Cucina Italiana » de Artusi Pellegrino (1891)
« On va déguster l’Italie » de Gaudry et ses amis (2021)
L’histoire de la Carbonara : évolutions sociales et culturelles et mythes
La véritable recette de la Carbonara : Un voyage à travers l’histoire, les évolutions sociales et culturelles mais aussi pas mal de mythes…
La Carbonara est sans doute un des plats les plus emblématique de la cuisine italienne. Il est sans aucun doute aussi la cause de controverses les plus vives dans l’histoire de la gastronomie quant à sa véritable recette et ses origines. De quoi chauffer l’ambiance aussi sûrement que de parler politique aux repas de Noël. Une autre certitude : son histoire est aussi riche que ne l’est sa recette !
La recette des pâtes Carbonara est relativement récente. Son apparition ne remonte qu’au XXème siècle, avec des estimations situant sa création entre les années 1940 et 1950.
Les prémisses d’une longue histoire qui serviront sans doute de support à un débat qui perdure encore aujourd’hui. Soit deux questions majeures, presque existentielles : la Carbonara est-elle née en Italie ou en Amérique ? Et quels en sont les véritables ingrédients ?
Premières apparitions dans un livre de cuisine
La première mention écrite de la recette de la Carbonara apparait en 1950 dans le livre « The Silver Spoon » de Waverley Root. La recette, décrite comme simple et rapide, comportait des ingrédients tels que des spaghetti, du bacon, des œufs, du Pecorino Romano et du poivre noir.
La Carbonara est également citée en 1952 dans un guide des restaurants de Chicago le Vittles and Vice – An Extraordinary Guide to What’s Cooking on Chicago’s Near North Side de Patricia Brontè. Celui-ci dévoilera une version anglaise de la recette provenant (toutefois) d’un restaurant italien, Armando’s, tenu par un certain Pietro Lencioni.
Il est important de nuancer cette information. La présence de ce plat à Chicago à ce moment de l’histoire ne prouve pas son existence en Italie à la même époque. Il est possible que des immigrants italiens installés à Chicago aient adapté une recette traditionnelle italienne en utilisant des ingrédients disponibles localement.
De plus, le restaurant italien Armando’s à Chicago, tenu par Pietro Lencioni, proposait une recette de Carbonara dès 1947. Là encore, cela ne signifie pas nécessairement que la Carbonara était un plat répandu en Italie à cette époque. Il est possible que ce restaurant ait innové en proposant une recette unique inspirée de traditions culinaires italiennes.
Un tournant dans l’histoire de la Carbonara est toutefois opéré en 1954. La recette est véritablement formalisée dans la publication d’août de La Cucina Italiana, à la suite d’une demande d’une lectrice. Dirigée par Anna Gosetti della Salda, avec la collaboration de ses sœurs Fernanda et Guglielmina, la revue recommandaient à l’époque l’usage…du gruyère (!), avant de proposer en 1967 une version actualisée dans Le ricette regionali italiane.
Il est important de noter que cette revue ne codifie pas la recette de la Carbonara, mais la présente plutôt comme une variante régionale.
A noter également qu’entre 1954 et 1960, les livres de recettes font état de Carbonara au parmesan, au jambon, au bacon, à la coppa. L’œuf est le plus souvent entier et en petite quantité par rapport aux pâtes. Un peu de persil pour garniture finale et un soffritto d’ail ou d’oignon.
Ces éléments indiquent que la Carbonara n’est probablement pas une création récente, mais plutôt le résultat d’une évolution culinaire graduelle, influencée par différentes sources et cultures. Des influences extérieures, comme celles des immigrants italiens aux États-Unis, ont pu jouer un rôle dans l’évolution du plat et sa diffusion internationale.
Contexte historique
L’apparition de la Carbonara coïncide avec une période de grands bouleversements en Italie. La Seconde Guerre mondiale vient de prendre fin et le pays se reconstruit. Dans ce contexte, les produits alimentaires sont rares et chers. La Carbonara, avec ses ingrédients relativement simples et abordables, s’impose comme un plat nourrissant et économique, parfait pour les familles italiennes qui tentent de se relever de la guerre.
Parallèlement, deux nouvelles hypothèses apparaissent. La première attribue l’origine de la recette aux brûleurs à charbon (i carbonari) des Apennins. La seconde renvoie aux officiers de l’armée anglo-américaine.
L’hypothèse Carbonari
D’autres hypothèses suggèrent que la Carbonara est née dans le Latium, région d’Italie centrale. Le nom « Carbonara » pourrait dériver de « carbonaro », signifiant « charbonnier » en italien, faisant référence aux ouvriers des charbonnières qui préparaient ce plat nourrissant et économique. Ces travailleurs, vivant dans des conditions rudimentaires, auraient élaboré un plat nourrissant et économique avec des ingrédients simples accessibles à proximité de leurs lieux de travail et facilement stockables, donnant ainsi naissance aux premières pâtes carbonara.
Rôle des soldats américains
L’une des théories les plus populaires attribue la création de la Carbonara aux soldats américains présents en Italie après la Seconde Guerre mondiale. Ces derniers auraient combiné des ingrédients américains figurant dans les rations militaires, à savoir : des jaunes d’œufs déshydratés, du bacon et du fromage.
Cependant, cette théorie n’est pas étayée par des preuves historiques concrètes. On ne trouve aucune mention de la Carbonara dans les livres de cuisine américains de l’époque, et les soldats américains n’auraient probablement pas eu accès facilement à des ingrédients tels que le guanciale (ou assimilé) ou le Pecorino Romano.
De plus, la présence de bacon dans la recette de Waverley Root, publiée en 1950, soit seulement 5 ans après la fin de la guerre, semble contredire cette théorie. Il est plus probable que l’utilisation du bacon soit une adaptation de la recette originale pour le public américain, qui n’était pas familier avec le guanciale.
La Cacio e Pepe pimpé
Enfin, certains gastronomes avancent l’idée que la Carbonara serait une version revisitée d’une recette plus ancienne, la « Cacio e Pepe » (pâtes au fromage et au poivre), à laquelle on aurait ajouté des œufs et du guanciale.
Une recette en constante évolution : entre tradition et innovation
Au fil des années, la recette évolue, passant du parmesan au jambon, du bacon à la coppa, reflétant ainsi les variations gustatives et culturelles de l’époque.
C’est Luigi Carnacina qui, en 1960, révolutionne la recette en introduisant le guanciale à la place de la pancetta. Mais c’est dans les années 80, sous l’influence de la nouvelle cuisine française et de l’appétit vorace de l’Amérique, que lard et crème fraîche seront ajoutés à la Carbonara, popularisant cette version de la recette.
Depuis de nombreuses variantes ont vu le jour, reflétant la diversité et la créativité de la cuisine italienne. On peut trouver des versions avec des légumes, des champignons, du vin blanc, etc.
L’un des points de discorde les plus importants concerne l’utilisation de la crème fraîche. La recette traditionnelle, codifiée par l’Accademia Italiana della Cucina en 1955, n’en mentionne aucune.
Le camp des puristes, gardiens intransigeants de la tradition, veille scrupuleusement au respect de la recette sacrée : spaghettis (ou tagliatelles à la rigueur), guanciale (pas de bacon, on a dit !), Pecorino Romano (le parmesan est une hérésie !), œufs entiers et jaunes, et poivre noir fraîchement moulu. Pour eux, la crème fraîche altère la texture crémeuse et onctueuse de la sauce originale, diluant sa saveur et masquant le goût des autres ingrédients. Aussi tout écart quant à ces ingrédients sacrés est considéré comme une abomination susceptible d’indigner massivement les réseaux sociaux.
Face à ces gardiens de la tradition se dressent, avec insolence, les rebelles de la modernité, prêts à bousculer les codes établis et à revisiter la recette avec une pointe d’audace (et d’inconscience !) ; ceci, en explorant de nouvelles combinaisons de saveurs et de textures. Certains ajoutent un peu de vin blanc pour déglacer la poêle, quand d’autres préfèreront l’utilisation de la pancetta à celle du guanciale (éternel retour…). De nombreux chefs cuisiniers renommés ont ainsi proposé leur propre interprétation de la recette, contribuant à sa diffusion internationale. Jamie Oliver (2005), Gordon Ramsay (2008) et Massimo Bottura (2016) font partie des chefs qui ont revisité la Carbonara avec leur propre touche créative.
Le chef américain Babish tente, quant à lui, de réaliser la « Carbonara parfaite » en compilant et comparant les techniques de différents chefs italiens renommés. Sa quête de l’absolue perfection, ponctuée de commentaires ironiques et de situations cocasses, illustre avec humour les débats dont, plus que tout autre recette, la Carbonara fait l’objet.
Un plat emblématique qui traverse les frontières
La Carbonara est devenue un véritable emblème de la gastronomie italienne, dépassant largement les frontières de son pays d’origine. Son (apparente) simplicité et sa saveur incomparable en font un plat universellement apprécié, capable de s’adapter aux différentes cultures. Elle rend compte, surtout, la créativité et l’adaptabilité de la cuisine italienne, capable de se réinventer tout en conservant son identité.
La recette (version puriste et actualisée)
Parce qu’on ne pourrait conclure cette longue histoire sans en détailler la recette !
Les ingrédients
Pâtes artisanales : des pâtes longues (spaghettis ou des tagliatelles) ou des rigatonis (ici présentes), sont généralement utilisées.
Guanciale : joue de porc salée, le guanciale est l’ingrédient clé qui donne à la Carbonara ses qualités organoleptiques. Il peut être remplacé par de la pancetta, mais le goût sera légèrement différent.
Œufs frais : des œufs entiers et des jaunes d’œufs sont utilisés pour créer une sauce crémeuse et onctueuse.
Pecorino Romano : il s’agit d’un fromage de brebis sec et salé qui apporte une saveur piquante et umami à la sauce.
Poivre noir : le poivre noir fraîchement moulu est un élément essentiel pour assaisonner la sauce.
Huile d’olive E.V.O : utilisée pour faire revenir le guanciale et pour ajouter de la richesse à la sauce.
Les proportions (4 personnes)
400g de spaghetti (ou tagliatelles romaines
200g de guanciale (joue de porc salée)
4 œufs entiers + 4 jaunes d’œufs
100g de Pecorino Romano râpé
Les étapes
1. Préparer le guanciale :
Coupez le guanciale en cubes d’environ 1 cm.
Faites chauffer une poêle à feu moyen avec un peu d’huile d’olive.
Ajoutez le guanciale et faites-le revenir jusqu’à ce qu’il soit croustillant et doré, environ 10 minutes.
Retirez le guanciale de la poêle et réservez-le.
2. Faire cuire les pâtes :
Portez une grande casserole d’eau salée à ébullition.
Ajoutez les pâtes et faites-les cuire selon les instructions sur l’emballage.
Réservez environ 100 ml d’eau de cuisson des pâtes avant de les égoutter.
3. Préparer la sauce :
Dans un grand bol, mélangez les œufs entiers, les jaunes d’œufs, le Pecorino Romano râpé et une bonne quantité de poivre noir fraîchement moulu.
Fouettez vigoureusement jusqu’à obtenir une crème homogène.
4. Incorporer les pâtes :
Égouttez les pâtes et ajoutez-les immédiatement dans la poêle avec le gras du guanciale.
Mélangez rapidement pour bien enrober les pâtes de graisse.
Retirez la poêle du feu.
5. Créer l’émulsion :
Versez rapidement la crème d’œufs dans la poêle avec les pâtes chaudes.
Mélangez énergiquement à l’aide d’une spatule ou d’une cuillère en bois pour créer une émulsion crémeuse.
Si la sauce semble trop épaisse, ajoutez un peu d’eau de cuisson des pâtes réservée pour l’assouplir.
6. Servir :
Répartissez les pâtes dans les assiettes de service.
Garnissez avec le guanciale croustillant et servez immédiatement, en saupoudrant de Pecorino Romano râpé supplémentaire et de poivre noir fraîchement moulu selon votre goût.
Nos conseils :
Pour une saveur plus riche, utilisez du Pecorino Romano vieilli. Vous pouvez remplacer le guanciale (ou guanciale fumée) par de la pancetta, Si vous n’aimez pas les œufs crus, vous pouvez les cuire légèrement à la poêle avant de les ajouter à la crème. Ne laissez jamais les pâtes cuire dans la crème d’œufs sur feu vif, car les œufs risqueraient de coaguler. La Carbonara se déguste traditionnellement avec du pain frais et un verre de vin blanc sec.
Buon appetito !
Sources